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Vent-en-Panne en riant et en pressant chaleureusement dans la sienne, la main que lui présentait le jeune homme. Je suis venu tout exprès.

— Ici ? fit en riant l’Olonnais.

— Parbleu ! où donc ? Je sais que vous êtes appelés au gouvernement ; pour vous y rendre, vous étiez forcés de passer devant l’Ancre dérapée ; ce renseignement m’a suffi. Vous voyez que je ne me suis pas trompé ?

— J’en conviens. Encore un verre, capitaine ! et puis si vous le voulez bien nous partirons. Voici l’heure.

— Encore un verre, soit ! Quant à partir, nous avons le temps, j’ai deux mots à vous dire.

— Quatre si cela vous plaît. Je suis à vos ordres, capitaine.

— Merci, cher ami. Et d’abord, pourquoi vous appelez-vous Pitrians, vous ? fit-il en s’adressant au matelot.

— Moi ?… fit celui-ci tout interloqué.

— Oui, vous ?

— Dame… parce que c’est mon nom.

— Vous en êtes sûr ?

— Ah ! bien ! par exemple, elle est bonne celle-là ! Nous nous sommes toujours appelés Pitrians de père en fils dans notre famille. Mon père, mon frère…

— Vous avez un frère ? interrompit le boucanier.

— Deux, en me comptant. C’est-à-dire, non, je me trompe, un seul. Au fait je ne sais plus ce que je dis. Mon frère doit être mort ; il a dix ans de plus que moi. Je l’ai à peine connu. Il est parti matelot, que j’étais encore tout petit ; depuis lors je n’en ai jamais entendu parler. Pour sûr qu’il est mort.

— Il vit. C’est un de nos frères, des meilleurs. Il est revenu de croisière il y a deux jours ; je l’ai fait prévenir, vous le verrez aujourd’hui.

— Mon frère ! mon vrai frère ! s’écria Pitrians les larmes aux yeux, jour de Dieu ! Vous ne mentez pas, capitaine ? C’est bien vrai ?

— Hein ! fit sévèrement le boucanier.