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tressaillit à cette découverte. Les deux navires se trouvaient au milieu des débouquements ; passage préféré des boucaniers pour assaillir à l’improviste, les galions espagnols à leur retour en Europe ; il sentit soudain l’espoir se glisser dans son cœur ; mais il se garda bien de faire part à personne de sa découverte et continua à demeurer les regards anxieusement, fiévreusement fixés sur ce point, d’où pouvait lui arriver la délivrance.

Aussi le jeune homme n’éprouva-t-il qu’une surprise assez médiocre, quand le lendemain il apprit les événements qui s’étaient passés pendant la nuit, et de quelle façon le Santiago avait été enlevé par les boucaniers.

Les Espagnols placés comme équipage de prise sur le Coq n’essayèrent pas de conserver le navire ; d’ailleurs se trouvant sous le feu des batteries du Santiago ; persuadés que les boucaniers étaient fort nombreux, ils jugèrent toute résistance impossible, rendirent leurs armes à la première sommation, et se laissèrent paisiblement mettre aux fers.

Instruit de la présence du duc de la Torre, à bord du bâtiment de la compagnie, par le capitaine Guichard, sachant qu’il s’y était embarqué à Dieppe comme passager, par ordre exprès de M. de Colbert, Vent-en-Panne, tout en grommelant entre ses dents, pria le capitaine d’assurer son noble passager que rien n’était changé à sa position, qu’il serait libre d’aller où bon lui semblerait, à l’arrivée du navire à Saint-Domingue ; que, jusque-là, il serait traité avec tous les égards dûs à son nom et à son rang ; mais la haine du boucanier pour les Espagnols était si forte, qu’il refusa opiniâtrement de voir le duc, malgré les pressantes instances du capitaine Guichard et, toujours grommelant il remonta sur le pont, afin d’essayer de recruter des matelots.

Parmi les passagers il s’en trouva une vingtaine, pêcheurs ou anciens marins pour la plupart, qui s’offrirent spontanément pour aider à la manœuvre ; leur offre fut acceptée ; de sorte que l’équipage du Coq resta à