L’officier se réfugia dessous le château d’avant, et là, accroupi dans l’ombre, la tête cachée dans ses mains, il se mit à ruminer des plans de vengeance.
Un peu après le coucher du soleil il reparut sur le pont ; il s’était fait un masque d’impassibilité. En apparence il était froid, calme, indifférent ; cependant le sourire sardonique qui plissait presque imperceptiblement ses lèvres pâles, démentait ce calme et cette indifférence. Le comte Horace prolongea sa promenade sur le pont jusqu’à ce que les ténèbres fussent complétement tombées ; puis, après avoir étouffé quelques bâillements, il parut céder à l’envie de dormir, monta sur la dunette, et se coucha dans un canot suspendu à l’arrière du navire.
Personne à bord ne remarqua ou du moins ne sembla remarquer cette manœuvre qui du reste, n’avait rien d’extraordinaire, dans les parages intertropicaux où naviguait alors le navire.
Cependant nous constaterons, que la première des fenêtres de l’appartement occupé par le noble passager et sa famille, ne se trouvait qu’à cinq ou six pieds, au-dessous du canot, dans lequel s’était couché le comte Horace.
L’Olonnais avait passé la journée tout entière qui venait de s’écouler appuyé sur la lisse et les yeux ardemment fixés sur la mer ; la brise qui s’était maintenue assez faible pendant la journée avait de plus en plus diminué ; un peu avant le coucher du soleil elle était tombée tout à fait ; on était en calme plat. Il n’y avait pas un souffle dans l’air ; la mer sombre et huileuse était comme un vaste lac de naphte ; les navires tanguaient péniblement sous l’effort de la houle, dont les puissants soulèvements ressemblaient à la respiration d’un gigantesque et mystérieux Léviathan.
Au moment où le soleil allait disparaître, l’Olonnais crut apercevoir ressortant sur la ligne d’horizon un point noir presque imperceptible, mais que son œil de marin reconnut pour une pirogue. Le jeune homme