Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les secondes ! Cette pensée le rendait fou. Vingt fois il fut sur le point de se faire sauter la cervelle avec des pistolets qu’il avait soustraits aux recherches des Espagnols ; chaque fois il s’arrêta. Était-ce espoir, où pressentiment ? le jeune homme n’aurait pu le dire. Parfois il se croyait le jouet d’un effroyable cauchemar ; il attendait anxieusement le réveil, c’est-à-dire la délivrance.

Sans se rendre compte de ce qui se passait en lui, il avait la conviction qu’il n’arriverait pas à Cuba ; que, par une intervention qu’il n’essayait même pas de s’expliquer, lui et ceux qui l’accompagnaient seraient rendus à la liberté, avant que d’atteindre l’île espagnole.

Nous avons vu que ce pressentiment, d’où qu’il vînt, fut complétement justifié par l’événement. Le Santiago et sa prise n’étaient plus qu’à une dizaine de lieues de Cuba, lorsqu’ils furent, en vue même de l’île, audacieusement enlevés, au moment où ils y pensaient le moins, par le capitaine Vent-en-Panne, et ses vingt-cinq flibustiers.

Cette surprise fut exécutée deux jours après l’enlèvement du Coq par le Santiago.

Pendant ces deux jours, le comte Horace essaya vainement de pénétrer auprès du noble espagnol ; chaque fois qu’il se présenta la porte lui fut refusée.

Le duc de la Torre avait été averti par le capitaine Guichard de ce qui s’était passé ; la conduite de l’officier avait semblé sans excuse au duc ; il avait immédiatement résolu de rompre toutes relations avec cet homme, et il l’avait fait sans hésitation ni ménagement ; d’autant plus que certaines paroles prononcées par le capitaine, l’avaient porté à supposer que le comte l’avait trompé jusque-là ; et qu’il n’avait jamais été victime que de ses vices, ses seuls et implacables ennemis.

Le comte Horace se retira la rage dans le cœur, jurant de se venger.

Prières, menaces, car cet homme n’avait pas craint de menacer, tout avait échoué devant la froide et irrévocable résolution du duc de la Torre.