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en supposant que le temps se maintint au beau, elle devait durer plus d’un mois.

Le comte Horace, rendons-lui cette justice, s’acquitta de la mission délicate que lui confiait son capitaine avec un tact et un goût exquis : il fit réellement des prodiges dans l’arrangement des cabines, dont il forma un appartement luxueux, assez grand et surtout très-commode ; chose qui est si difficile à obtenir, même souvent sur un bâtiment d’un tonnage supérieur à celui du Coq, qui, de plus, était encombré déjà, d’un nombre considérable de passagers des deux sexes.

Le duc de la Torre redoutait sur toutes choses l’incommodité, à laquelle il s’attendait à être condamné à bord d’un navire de commerce, d’un tonnage relativement faible où, d’ordinaire, l’espace est excessivement restreint ; il fut très-agréablement surpris, lorsque le comte Horace, après l’avoir reçu avec une exquise courtoisie à son arrivée à bord, l’eût conduit à l’appartement qui lui était destiné. Le duc, enchanté de tout ce qu’il voyait, remercia chaleureusement l’officier, qu’il ne connaissait pas encore, mais dont les grandes manières l’avaient séduit dès le premier moment ; il ne s’en tint pas là ; dès qu’il reçut la visite du capitaine, il saisit cette occasion pour le féliciter sur le goût et le talent déployés par son second, dans l’aménagement de cet appartement si adroitement improvisé.

Le capitaine fut obligé, à son grand regret, de répondre aux courtoises avances de son noble passager en lui présentant le comte de Villenomble ; formalité que le digne capitaine comptait différer, jusqu’à ce qu’il eût eu le loisir de prévenir secrètement le duc, du caractère véritable de l’homme que les directeurs de la Compagnie des Indes lui avaient imposé pour second. Mais comme déjà plusieurs fois en pareilles circonstances, le capitaine Guichard avait réussi à déjouer les roueries plus ou moins honnêtes de son second, celui-ci se tenait sur ses gardes ; il s’arrangea de façon à prendre l’avance et à contraindre le capitaine à le servir malgré lui, en le présentant.