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la porte ; en proie en apparence à une sérieuse préoccupation ; mais, au bout de quelques secondes, n’entendant aucun bruit, il se redressa, jeta un regard interrogateur autour de lui, et, certain que nul n’épiait ses mouvements :

— Il le faut ! murmura-t-il ; il n’y a pas à hésiter plus longtemps !

Il marcha alors droit à la table sur laquelle se trouvaient entassées les fioles remplies de médicaments de toutes sortes et de toutes couleurs ; feignit d’examiner minutieusement les diverses étiquettes de ces fioles, promena un dernier regard autour de lui, et, retirant doucement une petite bouteille en cristal de la poche de côté de son habit, il la glissa au milieu des autres.

Au même moment, un léger bruit se fit entendre au dehors.

— Il était temps ! grommela le médecin à part lui.

Sans autrement s’émouvoir, et surtout sans retourner la tête, ce qui aurait pu donner des soupçons, le médecin prit une tasse, et commença à préparer une potion, avec tout le soin et toute l’attention que les médecins de cette époque, qui ressemblaient beaucoup à ceux de la nôtre, apportaient à cette délicate opération, afin de bien doser les drogues et les substances dont ils faisaient la mixtion.

En ce moment la portière fut soulevée par le marin qui, précédemment, avait procédé à l’interrogatoire du docteur, lors de leur rencontre sur le quai ; cet homme inspecta la chambre d’un coup d’œil, puis il fit un geste de la main, et quatre matelots entrèrent, portant sur une civière, une femme enveloppée dans des mantes et des couvertures, pour la garantir du froid, car elle était en costume de nuit.

Autant qu’il était possible d’en juger à cause du loup de velours noir qui couvrait son visage et faisait ressortir la blancheur laiteuse de sa peau, d’une finesse et