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m’indiquent suffisamment la conduite que je dois tenir.

— Que voulez-vous dire, mon cher capitaine ? Vous êtes libre, il me semble, et ne relevez que de vous-même ?

— C’est possible, commandant ; mais je suis avant tout un sujet fidèle de S. M. ; partout où je me trouve avec un de ses officiers, il est de mon devoir, non pas de lui donner des ordres, mais d’en recevoir de lui.

— Cependant, capitaine…

— Excusez-moi si j’insiste sur ce point, la chose est plus sérieuse que vous semblez le supposer. Avec votre permission, nous marcherons en escadre ; jusqu’à Saint-Domingue je ne serai que votre lieutenant ; rien ne pourra me décider à agir autrement, d’ailleurs notre sûreté commune exige qu’il en soit ainsi.

— Oh ! oh ! vous allez un peu loin, il me semble, capitaine ? dit en riant M. de Lartigues, vous poussez la délicatesse à l’extrême.

— Nullement, commandant ; j’ai eu l’honneur de vous annoncer que les débouquements fourmillent en ce moment de croiseurs ennemis ; nous nous trouvons précisément au milieu d’eux. Si nous sommes attaqués, ce qui est possible après tout, bien que ces misérables Gavachos fassent plus de bruit que de besogne, il est indispensable que nous n’ayons qu’un chef, et que nous agissions de concert ; l’unité du commandement triplera nos forces ; nous aurons facilement raison de nos ennemis quels qu’ils soient ; au lieu que, livrés à nous-mêmes, chacun tirera de son côté, et nous ne ferons rien qui vaille.

— Vous avez raison toujours, mon cher capitaine ; il est impossible d’apprécier plus judicieusement notre situation. Je cède donc à votre volonté ; nous naviguerons en escadre et, ajouta-t-il en riant, ce sera un rude compagnon, que celui qui prétendra nous barrer le passage !

— C’est mon avis ; dit paisiblement Vent-en-Panne.

— Allons ! encore un verre de ce bon vin d’Anjou et occupons-nous de notre affaire.