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— J’ignore où elle est, monsieur, que m’importe cette créature ! répliqua-t-elle en haussant les épaules avec dédain.

— Nous la chercherons ensemble, s’il le faut, madame la comtesse de Casa-Real, et nous la trouverons, j’en suis certain, répondit-il d’une voix ferme ; car, je vous le jure, sur l’honneur de mon nom, je ne sortirai pas d’ici sans l’emmener avec moi, faites-y bien attention, madame…, sans elle, ou sans vous.

— Il serait important pour vous d’abord, monsieur le comte de Warrens, reprit-elle avec une ironie croissante, que vous fussiez assuré de sortir vous-même de cette maison où vous êtes ; croyez-moi, ayant que de songer à emmener cette femme, essayez de vous sortir seul d’ici, ce qui peut-être ne vous sera pas aussi facile que vous feigniez de le supposer.

— Si je n’en sors pas, c’est que je serai mort.

— Soit, s’il le faut, vous mourrez, dit-elle sèchement.

— Ah ! cette fois, vous êtes folle, madame, s’écria-t-il avec un rire de mépris ; avant même que vos assassins aient eu le temps de paraître, je vous aurais tuée.

— Essayez ! reprit-elle froidement.

Le comte prit un revolver à sa ceinture et l’arma froidement.

— Vous le voulez ? Eh bien ! finissons-en donc, une fois pour toutes. Vous êtes une bête féroce, madame, de Casa-Real, reprit-il d’une voix sourde, accentuée par une résolution effrayante ; avec les bêtes féroces, on ne raisonne pas, on tue ! Où est cette jeune fille ?

— Voilà ma réponse, monsieur ! dit-elle avec dédain.

Et elle frappa des mains.

Aussitôt un paravent, qui cachait le fond de la salle, tomba, et dix hommes apparurent, le pistolet au poing.

— Faites un geste, monsieur ! et si, moi, je dis un seul mot, vous êtes mort !

— C’est possible, mais pas avant de vous avoir tué, sur ma parole, madame, répondit-il en levant, froidement le pistolet qu’il tenait de la main droite à la hauteur de la poitrine de la comtesse, tandis que de la main gauche il prenait un second revolver à sa ceinture et le dirigeait sur le groupe des assassins.

Il y avait une résolution si implacable dans l’œil étincelant du comte de Warrens que la comtesse pâlit.

Elle avait peur.

Elle sentait instinctivement qu’il n’hésiterait pas.

Il n’avait qu’un léger mouvement à faire pour la tuer raide.

Il serait immédiatement massacré après, sans doute.

Mais, si elle mourait, que devenait alors sa vengeance ?

Cet homme, seul contre dix ennemis, était maître de sa vie.

Elle le comprit, se mordit les lèvres jusqu’au sang et baissa la tête.

— Bas les armes ! dit-elle d’une voix sourde aux assassins.

Ceux-ci abaissèrent leurs armes.

Le comte sourit.

— Quel bonheur que vous me connaissiez si bien, madame la comtesse !