Dans une vaste plaine, entièrement bouleversée par les travaux des mineurs, sur les bords d’un étroit ruisseau, affluent perdu du rio Merced, s’élevaient une quarantaine de tentes, propres, coquettes et dressées avec une sorte de symétrie.
Ce groupe de tentes était un camp de chercheurs d’or.
Contrairement à ce qui se passait partout ailleurs, le plus grand ordre, la plus stricte discipline régnaient dans ce camp.
Tous les habitants de ce campement, au nombre de deux cent cinquante hommes environ, ne formaient pour ainsi dire, tant leur union était sincère, qu’une seule et même famille, travaillant en commun et obéissant à des chefs choisis et reconnus par eux.
Au commencement de son installation dans cette plaine, ce camp, vu avec jalousie par les mineurs étrangers, avait été souvent menacé.
À plusieurs reprises même, des menaces on en était arrivé à des voies de fait.
Le camp avait été très sérieusement attaqué cinq ou six fois non seulement par les mineurs des camps rivaux, mais encore par les brigands pillards de la savane et par les Indiens Bravos, ces ennemis sempiternels et déclarés de la race blanche.
Mais l’organisation des chercheurs d’or reposait sur des bases si puissantes et si solides, leur armement était si complet et leur discipline si réelle, que toujours les assaillants, quels qu’ils fussent, Blancs, métis ou Peaux-Rouges, avaient été repoussés avec perte.
Et cela d’autant plus facilement qu’au premier coup de feu une cinquantaine de chasseurs, invisibles jusque-là, sortaient pour ainsi dire de terre, prenaient ces assaillants en queue, les plaçaient ainsi entre deux feux et les obligeaient promptement à chercher leur salut dans une retraite précipitée.
De plus, chose plus extraordinaire encore, ce camp, depuis son installation, n’avait jamais connu la famine.
En sus des chasseurs dont nous venons de parler, chargés spécialement de protéger le camp contre les attaques des bandits et de suffire aux besoins journaliers des travailleurs, une seconde troupe d’une quarantaine d’hommes allait, chaque mois, soit à Sonora, soit même à Monterey, chercher des convois de bœufs, de vin et de farine, convois qui toujours, malgré leur grande valeur, arrivaient intacts, sains et saufs.
L’emplacement de leur camp avait été habilement choisi par ces chercheurs d’or.
Le rendement était considérable, et, grâce aux mouvements accidentés du terrain coupé dans tous les sens par des cours d’eau venant de rochers ou de hauteurs, les travaux étaient plutôt faciles que pénibles.
D’ailleurs, ces chercheurs d’or étaient en outre fournis d’un outillage complet et de choix, tel que leurs concurrents n’en possédèrent que fort longtemps après.
Le premier de chaque mois, un convoi formidable se formait.
Les pépites et le minerai étaient chargés sur des mules.
Puis le convoi s’acheminait sous bonne escorte vers la mer.