le savez bien, Martial, répondit-elle en appuyant avec intention sur le dernier mot.
— Bon ! un reproche !
— Vous le mériteriez, mais ce n’en est pas un… Je constate un fait, voilà tout. Maintenant, je vous écoute : Parlez.
— Que comptez-vous faire, Edmée, à présent que Noël est libre ?
— Le suivre, mon cher Martial, répliqua-t-elle nettement.
— Le suivre !
— Oui.
— Où cela ?
— Partout.
— En Amérique ?
— En Amérique.
— En Californie ?
— Surtout en Californie… dit Edmée avec une énergie croissante.
— C’est de la folie, Edmée !
— Croyez-vous ?
— Noël ne consentira jamais à vous prendre à son bord.
— S’il sait que je veux le suivre, Martial, mais il l’ignorera.
— Il ignorera quoi ? demanda le colonel réellement stupéfait d’une si audacieuse et à la fois si naïve abnégation.
— Que je l’accompagne, répondit-elle froidement.
— Ma chère enfant, vous parlez sans réfléchir et oubliez qu’on ne trouve pas tous les jours un navire se rendant dans ces rivages lointains, impossibles.
— Vous croyez ? j’en connais un cependant, moi, mon bon Martial, dit-elle avec un fin sourire et en fixant sur lui son clair regard.
Le colonel détourna la tête.
— Vous ? murmura-t-il avec un visible embarras.
— Moi.
— Au Havre ?
— Sur la rade même.
— Et ce bâtiment dont vous me parlez part prochainement ?
— Mon Dieu oui ! dans quelques jours, à ce qu’il paraît.
— Ah ! bien.
Martial avait compris.
Ce n’était pas sans peine, tant de prime abord le projet de la jeune fille paraissait fou et inexécutable.
Il lui dit avec douceur :
— Voyons, maintenant, causons sérieusement, voulez-vous ?
— Mais tout ce que nous disons là est sérieux… vraiment !
— Quels moyens emploierez-vous pour suivre ainsi Noël à son insu ?
— Je chercherai.
— Là, s’écria Martial ironiquement.
— Je trouverai.
— C’est une question.
— Attendez ! fit-elle avec vivacité.