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Deux ou trois livres, du papier, des plumes, un encrier, une carafe pleine d’eau avaient été placés près de la montre.

Une cuvette, un verre et quelques menus objets de toilette se trouvaient sur la table de nuit, près d’un chandelier de cuivre garni de sa bougie.

La porte de cette cellule était en chêne massif et garnie de fer.

Un guichet mobile, placé au beau milieu de cette porte, semblait être l’œil soupçonneux de ce morne visage.

C’était tout.

Le logement paraissait sombre et brutal, comme le fait qui l’y avait amené.

— Je suis prisonnier, se dit Passe-Partout, mais dans quelle prison me trouvé-je ? À la Conciergerie ? ou bien… baste ! nous verrons plus tard.

Il mit machinalement les mains dans ses poches.

On ne l’avait pas fouillé.

— Voilà qui est étrange ! pensa-t-il.

Alors, selon l’habitude invariable des prisonniers, bêtes féroces ou hommes civilisés, il commença à se promener de long en large dans sa cellule.

— Je ne suis pas entre les mains de l’ex-chef de la police de sûreté. Il m’aurait fait fouiller, dévaliser, sous prétexte de mesure de simple police. On en aurait fait autant dans une prison de l’État.

« Entre les mains de qui suis-je tombé ?

« Hermosa !… serait-ce elle ?

« Où voudrait-elle en venir ?

« Me garder prisonnier, en charte privée ! séparé du monde ! séquestré !

« C’est jouer gros jeu.

« Non, je me trompe… ce n’est pas cela.

Et Passe-Partout, qui avait déjà assez de sa promenade de long en large, jugea à propos de varier cet exercice peu récréatif, en se promenant de large en long.

Il réfléchissait.

— On viendra. J’interrogerai le guichetier. Il faudra bien que j’en tire une réponse quelconque, n’importe par quel moyen.

Mais le guichetier ne venait pas.

La journée s’écoula ainsi tout entière.

Rien ne vint troubler la solitude du comte de Warrens.

Cet abandon ne le surprit pas. Il s’y attendait.

Il se trouva même heureux jusqu’à un certain point de cette profonde solitude.

Avec la réflexion, le calme venait de rentrer dans son esprit.

Il était redevenu maître de lui-même, et préparé à tout événement qui pourrait surgir sans qu’il s’y attendît.

Avant de tenter son expédition de Belleville, en homme bien avisé et qui possède l’habitude de ces choses-là, M. de Warrens avait pris soin de se débarrasser des objets et des papiers compromettants qu’il portait ordinairement sur lui, et de les mettre en lieu sûr.

En supposant, ce qui était probable, que pendant son sommeil, on eût