Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mour s’était installé en maître dans son âme, avant qu’elle s’en aperçût et songeât seulement à résister.

Les derniers événements avaient réveillé avec une force inouïe cette passion qui dormait au fond de son cœur. À présent qu’elle était près de lui, qu’elle entendait à chaque instant son éloge sortir de la bouche de sa mère et de celle de ses compagnons, elle en était arrivée à considérer son amour comme faisant partie de son existence, elle ne comprenait pas qu’elle eût vécu si longtemps sans aimer cet homme, qu’il lui semblait connaître depuis sa naissance.

Elle ne vivait plus que pour lui et par lui, heureuse d’un regard ou d’un sourire, joyeuse quand elle le voyait, triste quand il restait longtemps éloigné d’elle.

Le Cœur-Loyal était arrivé au même résultat, par une route toute différente.

Élevé pour ainsi dire dans les prairies, face à face avec la Divinité qu’il s’était habitué à adorer dans les œuvres grandioses qu’il avait sans cesse devant les yeux, les sublimes spectacles de la nature, les luttes incessantes qu’il avait à soutenir, soit contre les Indiens, soit contre les bêtes fauves, l’avaient développé au moral et au physique dans des proportions immenses. De même que, par sa force musculaire et son adresse à se servir de ses armes, il brisait tous les obstacles qu’on voulait lui opposer, par la grandeur de ses idées et la délicatesse de ses