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— Que faites-vous donc ? s’écria celui-ci, sauvez-vous, mon ami !

— Me sauver, moi, pourquoi faire ? répondit insoucieusement le Canadien, ma foi non, puisqu’il faut toujours finir par mourir, j’aime autant que ce soit aujourd’hui que plus tard ; je ne retrouverai peut-être jamais une aussi belle occasion.

Les deux hommes se serrèrent la main par une étreinte énergique.

— Maintenant, chefs, dit de sa voix calme le Cœur-Loyal en s’adressant aux Indiens, nous sommes en votre pouvoir, agissez comme bon vous semblera.

Les Comanches se regardèrent un instant avec stupeur ; la stoïque abnégation de ces hommes qui, par l’action hardie de l’un d’eux, pouvaient non seulement s’échapper, mais encore leur dicter des lois, et qui, au lieu de profiter de cet avantage immense, jetaient leurs armes et se livraient entre leurs mains, leur paraissait dépasser tous les traits d’héroïsme restés célèbres dans leur nation.

Il y eut un silence assez long pendant lequel on aurait entendu battre dans leurs poitrines le cœur de tous ces hommes de bronze qui, par leur éducation primitive toute de sensation, sont plus aptes qu’on ne pourrait le croire à comprendre tous les sentiments vrais et apprécier les actions réellement nobles.

Enfin la Tête-d’Aigle, après quelques secondes d’hésitation, jeta ses armes, et, s’approchant des