on voulut se remettre à la poursuite du meurtrier, il avait disparu.
Nul ne put dire de quel côté il avait passé.
Comme toujours en pareille circonstance, le juez de letras — juge criminel flanqué d’une nuée d’alguazils déguenillés — arriva sur le lieu du meurtre lorsqu’il était trop tard.
Le juez de letras, don Inigo tormentos Albaceyte, était un homme de quelque cinquante ans, petit et replet, à la face apoplectique, qui prenait du tabac d’Espagne dans une boîte d’or enrichie de diamants, et cachait sous une apparente bonhomie une avarice profonde doublée d’une finesse extrême et d’un sang-froid que rien ne pouvait émouvoir.
Contrairement à ce qu’on aurait pu supposer, le digne magistrat ne parut pas le moins du monde déconcerté de la fuite de l’assassin, il secoua la tête deux ou trois fois, jeta un regard circulaire sur la foule, et clignant son petit œil gris :
— Pauvre Cornejo, dit-il en se bourrant philosophiquement le nez de tabac, cela devait lui arriver un jour ou l’autre.
— Oui, dit un lepero, il a été proprement tué.
— C’est ce que je pensais, reprit le juge, celui qui a fait le coup s’y connaît, c’est un gaillard qui en a l’habitude.
— Ah ! bien oui, répondit le lepero en haussant les épaules, c’est un enfant.
— Bah ! fit le juge avec un feint étonnement et