Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou affectée. Aussi cherchait-elle constamment dans son esprit les moyens de faire repentir son sauveur de cette indifférence, si le hasard, une seconde fois, les mettait en présence l’un de l’autre.

On le sait, bien que cela puisse au premier abord sembler un paradoxe, de la haine, ou du moins de la curiosité à l’amour, il n’y a qu’un pas.

Doña Luz le franchit en courant, sans s’en apercevoir.

Ainsi que nous l’avons dit, doña Luz avait été élevée dans un couvent, sur le seuil duquel venaient sans écho mourir les bruits du monde. Son enfance s’était passée calme et décolorée dans les pratiques religieuses ou plutôt superstitieuses qui, au Mexique, forment le fond de la religion. Lorsque son oncle la retira du couvent pour la mener avec lui dans le voyage qu’il méditait dans les prairies, la jeune fille ignorait les plus simples exigences de la vie, et se doutait aussi peu de l’existence du monde extérieur dans lequel elle allait se trouver jetée subitement qu’un aveugle de naissance se doute de l’éclat fulgurant des rayons du soleil.

Cette ignorance, qui servait admirablement les projets de son oncle, était pour la jeune fille une pierre d’achoppement contre laquelle, à chaque minute du jour, elle allait trébucher malgré elle.

Mais grâce aux soins dont l’entoura le général, les quelques semaines qui s’écoulèrent avant leur