Page:Aimard - Les Rôdeurs de frontières, 1910.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
LES RODEURS DE FRONTIÈRES

quer sur quoi baser ce sentiment qu’elle éprouvait : cette personne était mistress Watt. L’amour maternel rend clairvoyant : la jeune femme adorait ses enfants, et lorsque parfois le Peau-Rouge laissait par hasard tomber un regard indifférent sur les innocentes créatures, la pauvre mère se sentait frissonner dans tous ses membres, et elle se hâtait de soustraire à la vue de cet homme ces deux êtres qui étaient tout pour elle.

Parfois elle avait essayé de faire partager ses craintes à son mari, mais à toutes ses observations le capitaine n’avait répondu que par un haussement significatif des épaules, supposant qu’avec le temps cette impression s’affaiblirait et finirait par disparaître ; cependant comme mistress Watt revenait sans cesse à la charge avec la persévérance et l’entêtement d’une personne dont les idées sont positivement arrêtées et ne changeront plus, le capitaine impatienté et n’ayant aucune raison plausible pour protéger contre sa femme qu’il aimait et respectait un homme pour lequel il ne professait pas la moindre estime, il lui promit enfin de l’en débarrasser, et, comme en ce moment l’Indien était absent de la colonie depuis plusieurs jours, il se réserva aussitôt son retour de lui demander une explication de sa conduite mystérieuse, et, si l’autre ne lui répondait pas catégoriquement et d’une manière satisfaisante, de lui signifier nettement qu’il ne voulait plus le voir dans la colonie, et qu’il eût en conséquence à s’éloigner sur-le-champ et pour toujours.

Voilà dans quelles dispositions se trouvait le capitaine envers Visage-de-Singe, lorsque le hasard le