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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

spectacle le plus vivant et le plus animé : tandis que, au dehors, les bestiaux paissaient sous la garde de quelques bouviers à cheval et bien armés, que les arbres centenaires tombaient sous les coups redoublés des cognées des bûcherons ; au-dedans, tous les ateliers étaient en pleine activité, de longues colonnes de fumée s’élevaient des forges, le bruit des marteaux se mêlait au grincement des scies ; sur le bord du fleuve, d’énormes piles de bois préparés en planches s’élevaient à peu de distance d’autres composées de bois de chauffage ; plusieurs embarcations étaient amarrées au rivage, et de temps en temps on entendait au loin résonner les coups de feu des chasseurs qui exécutaient une battue dans la forêt afin d’approvisionner la colonie de venaison.

Il était environ quatre heures de l’après-dîner ; le capitaine, monté sur un magnifique cheval noir, marqué de blanc aux quatre pieds, traversait au petit pas une prairie nouvellement défrichée.

Un sourire de satisfaction intime déridait le visage sévère du vieux soldat à l’aspect du changement prodigieux que sa volonté et sa fiévreuse activité avait, en si peu de temps, opéré sur ce coin de terre ignoré, appelé dans un avenir prochain, il n’en doutait pas, à acquérir, grâce à sa position, une grande importance commerciale ; il approchait de la colonie, lorsqu’un homme, caché jusqu’à ce moment par un amas de souches et de racines d’arbres empilées et laissées là pour sécher, apparut subitement à ses côtés.

Le capitaine réprima un geste de mauvaise humeur en apercevant cet homme dans lequel il reconnut Visage-de-Singe.