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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

forêts remplies de gibier de toute sorte, était un rendez-vous de prédilection des Indiens Pawnées, dont une tribu nombreuse, celle des Serpents, s’était même établie à demeure à l’angle de la fourche, afin d’être plus près de son territoire de chasse de prédilection. Le village des Indiens était assez considérable, il comptait environ trois cent cinquante feux, ce qui est énorme pour les Peaux-Rouges, qui généralement n’aiment pas se réunir en grand nombre au même endroit, de crainte de souffrir de la famine ; mais la position du village était si bien choisie, que cette fois les Indiens avaient dérogé à leurs habitudes ; en effet, d’un côté la forêt leur fournissait plus de gibier qu’ils n’en pouvaient consommer, de l’autre, la rivière abondait en poissons de toutes sortes d’un goût délicieux, et les prairies qui les environnaient étaient couvertes pendant toute l’année d’une herbe haute et drue qui offrait des pâturages excellents aux chevaux ; depuis plusieurs siècles peut-être, les Pawnées-Serpents s’étaient définitivement fixés dans cette bienheureuse vallée qui, grâce à sa position abritée de toutes parts, jouissait d’un climat doux et exempt de ces grandes perturbations atmosphériques qui si souvent bouleversent les hautes latitudes américaines. Les Indiens vivaient là tranquilles et ignorés, s’occupant de chasse et de pêche, envoyant au loin chaque année de petites troupes de jeunes gens suivre le sentier de la guerre sous les ordres des chefs les plus renommés de la nation.

Tout à coup cette existence paisible avait été troublée sans retour ; le meurtre et l’incendie s’étaient étendus comme un sinistre linceul sur la val-