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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

de ma nation sur la rive opposée de la rivière, alluma des feux et campa. Mon père, ainsi que mon frère le sait, était le premier sachem de la tribu ; il monta à cheval, et, suivi de quelques guerriers, il traversa la rivière, et se présenta à l’étranger afin de lui souhaiter la bienvenue sur le territoire de chasse de notre nation et de lui offrir les rafraîchissements dont il pourrait avoir besoin.

Ce Visage-Pâle était un homme de haute taille, aux traits durs et accentués. La neige de plusieurs hivers avait blanchi sa chevelure. Il se mit à rire aux paroles de mon père et lui répondit : Êtes-vous le chef des Peaux-Rouges de ce village ? — Oui, dit mon père. Alors le Visage-Pâle sortit de ses vêtements un grand collier[1], sur lequel étaient dessinées des figures étranges, et le montrant à mon père : Votre grand-père pâle, des États-Unis, lui dit-il, m’a donné la propriété de toutes les terres qui s’étendent depuis la chute de l’antilope jusqu’au lac aux bisons ; voici, ajouta-t-il en frappant avec le dos de la main sur le collier, ce qui prouve mon droit.

Mon père et les guerriers qui l’accompagnaient se mirent à rire.

— Notre grand-père pâle, répondit-il, ne peut donner ce qui ne lui appartient pas ; cette terre dont vous parlez forme les territoires de chasse de ma nation depuis que la grande tortue est sortie du sein de la mer pour soutenir le monde sur son écaille.

— Je n’entends pas ce que vous me dites, reprit le visage pâle, je sais seulement que cette terre m’a été donnée et que si vous ne consentez pas à vous

  1. Lettre.