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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Ces formules sacramentelles de toute rencontre épuisées, la glace fut rompue et la connaissance faite.

— Mettez pied à terre, caballero, dit le dragon ; la chaleur est étouffante dans la prairie ; j’ai ici une ombre excellente, et dans cette petite marmite cuit en ce moment de la cecina avec des haricots rouges au piment dont vous me direz des nouvelles bientôt, si vous voulez me faire l’honneur de partager mon repas.

— J’accepte de grand cœur votre charmante invitation, caballero, répondit en souriant l’Américain ; d’autant plus que je vous avoue que je meurs littéralement de faim, et que de plus je suis accablé de fatigue.

— Caraï ! je me félicite alors du bienheureux hasard qui nous réunit. Mettez donc pied à terre sans plus tarder.

— C’est ce que je fais.

Effectivement, l’Américain descendit de son cheval, lui enleva le mors, et le noble animal alla immédiatement rejoindre son compagnon, tandis que son maître se laissait, avec un soupir de satisfaction, tomber sur l’herbe auprès du dragon.

— Vous paraissez avoir fait une longue route, caballero ? observa le soldat.

— Oui, reprit l’Américain ; voilà dix heures que je suis à cheval, sans compter que j’ai passé la matinée à me battre.

— Cristo ! Vous avez fait là une rude besogne.

— Vous pouvez le dire, sans courir le risque de vous tromper ; car, foi de chasseur, jamais je n’ai eu si fort à faire.