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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Écoutez donc, seigneurie, fit le guide d’un air niais : ma mère, la digne femme, m’a toujours recommandé de me méfier de deux sortes de gens, les emprunteurs et les questionneurs, car, disait-elle avec beaucoup de raison, les uns en veulent à votre bourse et les autres à votre secret.

— Vous avez donc un secret ?

— Moi ? pas le moins du monde.

— Alors que craignez-vous ?

— Pas grand’chose, c’est vrai. Eh bien ! questionnez, seigneurie, je tâcherai de vous répondre.

Le paysan mexicain, Indien manzo ou civilisé, tient beaucoup du paysan normand, en ce sens qu’il est presque impossible d’obtenir de lui une réponse positive à la question qu’on lui adresse. Le capitaine fut contraint de se contenter de la quasi-promesse du guide ; il reprit :

— Qui êtes-vous ?

— Moi ?

— Oui !

Le guide se mit à rire.

— Vous le voyez bien, dit-il.

Le capitaine secoua la tête.

— Je ne vous demande pas ce que vous paraissez être, mais ce que vous êtes réellement.

— Eh ! seigneur, quel homme peut répondre de soi et savoir positivement qui il est ?

— Écoutez, drôle, reprit le capitaine d’un ton de menace, je ne veux pas perdre mon temps à vous suivre dans toutes les circonlocutions qu’il vous plaira d’inventer. Répondez catégoriquement à mes questions, ou sinon…