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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

dans l’accomplissement de la mission qui leur était confiée.

Plus la conducta s’avançait du côté des montagnes, plus la marche devenait difficile et dangereuse ; les arbres d’abord épars sur un grand espace, s’étaient insensiblement rapprochés ; maintenant ils formaient une épaisse forêt à travers laquelle il fallait, en certains endroits, se frayer un passage au moyen de la hache, à cause des guirlandes de lianes qui s’enchevêtraient les unes dans les autres et formaient parfois un fouillis inextricable ; puis c’étaient des ruisseaux souvent assez larges et d’un abord difficile, que les chevaux et les mules étaient contraints de traverser à gué au milieu des iguanes et des alligators en ayant souvent de l’eau jusqu’au ventre.

L’épais dôme de verdure sous lequel s’avançait péniblement la caravane cachait absolument le ciel et ne laissait qu’avec peine filtrer à travers ses rameaux pressés quelques rayons de soleil, qui ne suffisaient pas complétement pour dissiper l’obscurité qui règne presque constamment dans les forêts vierges, même au milieu du jour.

Les Européens qui ne connaissent en fait de forêts que celles du vieux monde, ne peuvent se faire une idée même lointaine de ce que sont ces imenses océans de verdure que l’on nomme en Amérique des forêts vierges.

Là, les arbres semblent tous se tenir, tant ils sont mêlés et enchevêtrés les uns dans les autres, attachés et reliés entre eux par des réseaux de lianes qui entrelacent leurs troncs, se tordent autour de leurs branches, plongent dans le sol pour surgir de nouveau comme les tuyaux d’un orgue immense,