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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

dire s’approcher de lui pas à pas, l’enserrer de toutes parts, et il s’attendait à chaque instant à une explosion terrible.

Cette intuition secrète, ce pressentiment providentiel qui lui criait au fond du cœur de prendre garde, le mettait dans un état de surexcitation impossible à décrire, et le plaçait dans une situation intolérable dont il voulait sortir à tout prix, préférant voir enfin le danger et le combattre en face, à demeurer plus longtemps la baïonnette croisée devant le vide.

Aussi redoubla-t-il de vigilance, surveillant lui-même les alentours du campement, assistant au chargement des mules qui, attachées les unes aux autres, devaient en cas d’alerte, être placées au milieu des soldats les plus dévoués et les plus résolus de l’escorte.

Bien avant le lever du soleil, le capitaine, dont le sommeil n’avait été qu’une suite non interrompue d’insomnies cruelles, avait quitté la dure couche de peaux et de couvertures sur lesquelles il avait vainement cherché quelques heures d’un repos que l’état nerveux dans lequel il se trouvait lui rendait impossible, et s’était mis à arpenter de long en large, d’un pas saccadé, l’étroit espace qui formait l’intérieur du camp, enviant malgré lui le sommeil insouciant et tranquille des soldats étendus çà et là sur le sol et roulés dans leurs zarapés.

Cependant le jour se faisait peu à peu. Le hibou, dont le chant matinal annonce l’aparition du soleil, avait déjà fait entendre ses notes mélancoliques. Le capitaine poussa du pied l’arriero chef couché près du feu et l’éveilla.