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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

John Davis, malgré son habitude de la vie du désert, était confondu par le sang-froid de cet homme qui, échappé à la mort par miracle, souffrant d’une affreuse blessure, et revenu en possession de ses facultés intellectuelles depuis quelques minutes à peine, semblait déjà ne plus songer à ce qui s’était passé, ne considérait les événements dont il avait failli être victime que comme des accidents fort naturels de l’existence qu’il menait, et reprenait, avec la plus grande liberté d’esprit, un entretien interrompu par un combat terrible, juste au point où il l’avait laissé. C’est que, malgré les longues fréquentations que l’Américain avait eues jusque-là avec les Peaux-Rouges, jamais il ne s’était donné la peine d’étudier sérieusement leur caractère, persuadé, comme la plupart des blancs, du reste, que ces hommes sont des êtres à peu près dénués d’intelligence, et que la vie qu’ils mènent ravale presque au niveau de la brute, tandis qu’au contraire cette vie de liberté et de périls incessants leur rend le danger tellement familier qu’ils en sont arrivés à le mépriser et à ne lui accorder qu’une importance secondaire.

— Soit, dit-il au bout d’un instant, puisque vous le désirez, chef, je m’acquitterai du message dont j’ai été chargé pour vous.

— Que mon frère prenne place à mes côtés.

L’Américain s’assit sur le sol auprès du chef, non sans une certaine appréhension à cause de l’isolement où il se trouvait sur ce champ de bataille jonché de cadavres ; mais l’Indien paraissait si calme et si tranquille que John Davis eut honte de laisser voir son inquiétude, et, affectant une