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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

sans doute lui appartenait, étaient appuyés contre le tronc de l’arbre, et un magnifique mustang, entravé à quelques pas, broyait à pleine bouche les jeunes pousses des arbres.

Ce qu’il nous a fallu tant de temps à décrire, l’Indien le vit d’un coup d’œil ; mais il parut que pour lui cette scène, à laquelle il était sans doute loin de s’attendre, n’avait rien de rassurant ; car ses sourcils se froncèrent, et il retint avec peine une exclamation de surprise et de désappointement en apercevant les deux individus.

Par un mouvement instinctif de prudence, il arma son rifle, puis, cette précaution prise, il recommença à observer ce qui se faisait dans la clairière et ce que devenaient les deux personnages.

Cependant l’homme revêtu d’une robe de moine fit un léger mouvement comme pour se relever, et entr’ouvrit les yeux ; mais, trop faible encore, probablement, pour supporter l’éclat des rayons du soleil, bien qu’ils fussent tamisés par l’épais feuillage des arbres, il les referma aussitôt ; pourtant l’individu qui le soignait s’aperçut qu’il avait repris connaissance au mouvement de ses lèvres qui s’agitaient comme s’il eût murmuré une prière à voix basse.

Jugeant alors que, provisoirement du moins, ses soins n’étaient plus nécessaires à celui qu’il secourait, l’inconnu se redressa, saisit son rifle, appuya les deux mains croisées sur le canon et attendit impassible, après avoir jeté sur la clairière un regard circulaire dont la sombre et haineuse expression fit tressaillir d’épouvante le chef indien au fond du fourré sous lequel il s’abritait.