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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

seuls qui l’ont mené peuvent comprendre les charmes enivrants.

Les Canadiens n’ont jamais admis en principe le changement de nationalité que les Anglais ont essayé de leur imposer ; toujours ils se sont considérés comme Français, leurs yeux sont constamment restés fixés vers cette ingrate mère-patrie qui les a abandonnés avec une si cruelle indifférence.

Aujourd’hui même, après tant d’années, les Canadiens sont toujours demeurés Français ; leur fusion avec la race anglo-saxonne n’est qu’apparente, il suffirait du plus léger prétexte pour amener entre eux et les Anglais une rupture définitive.

Le gouvernement anglais le sait fort bien ; aussi use-t-il avec ses colonies du Canada d’une mansuétude qu’il se garde bien d’employer dans ses autres possessions.

Dans les premiers temps de la conquête, cette répulsion (nous n’osons dire haine) était tellement prononcée entre les deux races, que les Canadiens émigrèrent en masse plutôt que de subir le joug flétrissant qu’on prétendait leur imposer. Ceux qui, trop pauvres pour quitter définitivement leur patrie, furent contraints de continuer à habiter cette terre désormais avilie par l’occupation étrangère, choisirent le rude métier de coureurs des bois, et préférèrent adopter cette existence de misères et de périls à la honte de subir la loi d’un vainqueur détesté ; secouant la poussière de leur chaussure sur le seuil du toit paternel, ils jetèrent leur fusil sur leur épaule, et, étouffant un soupir de regret, ils s’éloignèrent pour ne plus revenir, s’enfonçant résolument dans les impénétrables forêts du Canada, commençant