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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Que se passe-t-il donc ici ? demanda-t-il d’une voix sombre en se croisant les bras sur la poitrine ; et il demeura immobile sur le seuil en promenant un regard circulaire sur les assistants.

Il y avait tant de menaces dans l’accent du nouveau venu, de ses yeux jaillissaient de si sombres éclairs, que les trois hommes terrifiés se reculèrent machinalement jusqu’au mur opposé en murmurant avec effroi :

— Le Jaguar ! le Jaguar !

— Sauvez-moi ! sauvez-moi ! s’écria la jeune fille en s’élançant éperdue vers lui.

— Oui, dit-il d’une voix profonde, oui, je te sauverai, Carmela, malheur à qui fera tomber un cheveu de ta tête.

Et l’enlevant doucement dans ses bras nerveux il la déposa délicatement sur une butaca où elle se laissa aller à demi évanouie.

L’homme que nous venons si brusquement de mettre en scène était bien jeune encore ; son visage imberbe aurait semblé celui d’un enfant, si ses traits corrects et d’une beauté presque féminine n’avaient été éclairés par deux grands yeux noirs dont le regard avait un éclat fulgurant et une force magnétique que peu d’hommes se sentaient capables de supporter.

Sa taille était haute, mais svelte et élégante, ses membres bien attachés, sa poitrine large ; ses longs cheveux, noirs comme l’aile du corbeau, s’échappaient avec profusion de son chapeau de vigogne garni d’une large toquilla d’or, et tombaient en boucles nombreuses sur ses épaules.

Il portait le brillant et luxueux costume mexicain ;