Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus s’en approcher ; elle resta pendant plus de dix ans fermée et inhabitée ; les propriétaires, malgré le prix modique qu’ils en demandaient, ne trouvaient pas d’acquéreurs ; ces trois catastrophes consécutives effrayaient et éloignaient les acheteurs ; enfin, un jour, les habitants de Drancy furent tout étonnés de voir les persiennes des fenêtres, si longtemps fermées, ouvertes, et des ouvriers occupés à faire quelques réparations intérieures et extérieures : la maison était vendue.

— Ah ! ah ! fit le Mayor, en riant : cette fois, quel fut l’homme assez brave pour oser acheter cette redoutable maison ?

— Celui qui l’habite encore aujourd’hui, et auquel nous allons faire une visite.

— Ah ! diable ! Définitivement, cette maison porte véritablement malheur à ses habitants.

— C’est de bon augure pour nous, dit Felitz Oyandi avec son ricanement sinistre.

— Tu as pardieu raison ! fit le Mayor avec un éclat de rire auquel Caboulot s’associa de bon cœur.

— Ce nouveau propriétaire est à la fois craint et détesté ; depuis qu’il habite le pays, il n’a parlé à personne ; il n’achète rien ni au Bourget, ni a Drancy. Ses allures, disent les paysans, sont mystérieuses, il ne reçoit personne. Le maire de Drancy, un ancien valet mal dégrossi, qui se croit un personnage, et qui n’est qu’un sot vaniteux, s’est présenté chez lui en compagnie du curé ; il les a mis tous deux à la porte, en leur disant d’aller au diable. Il ne voit et ne reçoit personne, sauf la dame que vous savez ; mais elle n’arrive qu’à la nuit close, et les paysans ont remarqué que lui et elle apportaient souvent avec eux des paquets de forme suspecte ; bref, si l’on ne les accuse pas positivement d’être des voleurs, tout au moins les accuse-t-on tout bas d’être des receleurs.

— Jolie réputation qu’on leur fait là ! dit le Mayor.

— Un soir, notre homme, en descendant du chemin de fer, fut attaqué à l’improviste par deux individus armés de solides gourdins ; lui n’avait pas même une canne. Il jeta