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— Je ne puis me plaindre, mon ami ; on a eu pour moi les soins les plus délicats, les attentions les plus grandes ; on se montre empressé à me plaire et à me faire oublier ma réclusion ; mais cet homme par lequel j’ai été enlevée et conduite dans cette maison me fait peur ; mon cœur se serre, un frisson de terreur agite tout mon corps, tout mon sang se glace lorsque son regard froid et glauque se fixe sur moi ; j’ai tout tenté pour lui échapper, plusieurs fois j’ai voulu me précipiter par la portière et me briser sur les pavés du chemin, plutôt que de le sentir près de moi ; mais il me surveillait avec une attention jalouse, toujours il a réussi à me retenir ; j’ai semé mes bijoux sur la route dans l’espoir qu’ils seraient plus tard retrouvés par vous et serviraient à faire découvrir mes traces, mes pauvres bijoux que j’aimais tant ! une bague qui me venait de toi, cher Armand, et qui m’était si précieuse, j’ai eu le courage de m’en séparer.

— Tes bijoux, ces chers jalons semés par toi, ma bien-aimée, ne sont pas perdus. Console-toi ; Julian et Bernard, ces deux amis si dévoués, tes sauveurs, ma chérie, les ont retrouvés tous les uns après les autres, et c’est grâce à eux que nous sommes arrivés enfin jusqu’ici.

— Dis-tu vrai, cher Armand ? s’écria-t-elle avec une joie délirante ; oh ! alors, c’était donc véritablement une inspiration du ciel qui me poussait, pour ainsi dire, malgré moi, à les semer ainsi sur la route, chaque fois que l’occasion m’en était offerte !

— Tiens, ma bien-aimée, les voici tous ; regarde, s’écria-t-il en les lui présentant.

— Oh ! quel bonheur ! s’écria-t-elle avec un rire perlé. Mes chers bijoux, les voilà, c’est bien eux ! Oh ! maintenant, ils me seront doublement chers !

— Permettez-moi une question, chère enfant, dit Julian ; pourriez-vous me dire si, après votre enlèvement, vous avez été directement conduite ici ?

— La voiture dans laquelle j’avais été transportée a marché très longtemps et très vite pendant près de trois heures. À un certain moment, nous avons changé de voi-