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et estimée, bien que depuis longtemps je sache à quel monstre odieux elle doit le jour ! Cette œuvre de dévouement que j’ai accomplie avec une ferveur joyeuse sera ma seule vengeance de tout le mal que vous m’avez fait et de celui que vous tenterez de me faire encore !

— Vanda ! ma fille ! le seul bien qui me reste, vous la rendre, à vous ? Oh ! oh ! s’écria-t-il avec égarement.

— Ce sera, monsieur, que vous y consentiez ou non ! dit-elle sévèrement ; je saurai vous y contraindre. Cette enfant que vous avez reniée et que maintenant vous prétendez aimer, elle pleure, elle a le cœur brisé. Vous n’entendez pas ses sanglots ; vous n’écoutez pas ses plaintes, ses prières, et vous êtes son père, dites-vous ? Allons donc ! Les tigres et les panthères vous donneraient des leçons d’amour paternel : ils ont, eux, des entrailles pour leurs petits ; vous, vous n’avez plus rien au cœur que l’égoïsme de la cruauté et la luxure de la vengeance ! Je ne suis pas dupe de vos semblants d’amour pour votre fille ; vous ne l’aimez pas, vous ne l’avez jamais aimée ; sans cela, la laisseriez-vous souffrir ? Moi, monsieur, moi sa mère véritable, quoi que vous en disiez, depuis que vous avez assassiné l’autre, — car vous êtes un lâche tueur de femmes ! — moi, je donnerais avec joie ma vie pour lui épargner un chagrin et la voir sourire. Sachez-le bien, monsieur, ce n’est pas le hasard de la naissance qui constitue la paternité ; il faut avoir veillé sans cesse sur un enfant, avoir entouré de tendresse et de soins affectueux sa frêle existence, avoir suivi et dirigé avec une sollicitude de toutes les secondes les développements de son intelligence, de ses instincts et de son caractere, modéré les uns, encouragé les autres, en avoir fait enfin un homme de valeur ou une femme estimable, pour avoir le droit de revendiquer une paternité qui, sans ces conditions essentielles, n’est qu’une dérision ! Ne me parlez donc plus de votre amour pour votre fille. Si cet amour a jamais existé, il est mort ; d’ailleurs, vous êtes malheureusement impuissant à ressentir d’autres sentiments que celui de la haine ; l’enlèvement de Vanda n’est pas