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Un temps bien court s’était écoulé, et toute cette joie s’était changée en tristesse et en douleur.

Plus de chants joyeux, plus de rires cristallins : des larmes amères et l’appréhension terrible de devenir malheureux.

La comtesse se laissa aller sur un fauteuil, où elle s’affaissa et se plongea dans une douloureuse rêverie, sans même songer à essuyer les larmes brûlantes qui coulaient lentement le long de ses joues pâlies par la souffrance.

Un silence profond, presque solennel, régnait dans cette partie du parc.

Soudain la comtesse entendit un bruit, dont elle ne se rendit pas compte d’abord, mais qui se renouvela presque aussitôt, avec une intensité plus grande.

La porte du kiosque avait été brusquement ouverte.

La comtesse releva sa tête alourdie par la souffrance et poussa un cri de frayeur.

Dans l’entrebâillement de la porte, sur le seuil du kiosque, un homme se tenait debout, les bras croisés sur la poitrine, les traits sombres, les sourcils froncés à se joindre, les traits livides, presque repoussants, et fixant sur elle un regard d’une expression étrange.

— Ah ! ah ! dit-il d’une voix sourde, vous m’avez reconnu ? c’est bien !

La comtesse le regarda sans répondre.

Elle se préparait intérieurement à soutenir la lutte affreuse qu’elle sentait prochaine.

Cet homme était le Mayor ou plutôt le marquis de Garmandia, son premier mari.

Bien que l’âge, les excès de toute sorte et les hasards d’une existence aventureuse eussent profondément modifié les traits du marquis, qu’une balafre reçue à l’attaque de la Florida lui eût partagé le visage et que les années eussent lourdement pesé sur toute sa personne, cependant à l’expression de son regard louche, sans rayonnement, aux paupières à demi baissées, il était impossible de le méconnaître.