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placé par le café, les liqueurs et les boîtes à cigares premier choix, bien entendu.

Dès que le garçon eut refermé la porte du cabinet derrière lui, le Mayor choisit un cigare et l’alluma.

— Prends donc un de ces cigares ? dit-il à son complice ; ils sont excellents.

— Non, merci pas à présent.

— Comme tu voudras, dit le Mayor en lançant au plafond un nuage de fumée bleuâtre. À propos, où en étions-nous restés ?

— À la seconde affaire ; en bonne voie d’être terminée.

— C’est juste. Sache donc, cher ami, le plus oublieux et le plus ingrat des amis, reprit le Mayor, que sans doute l’excellent repas qu’il venait de faire avait mis d’une humeur charmante, sache donc que depuis que je ne t’ai vu, sauf l’épisode de ma femme, je ne me suis occupé que de toi.

— De moi ? s’écria Felitz Oyandi avec surprise. Comment cela ? Je ne te comprends pas.

— C’est cependant limpide, cher ami, répondit en souriant le Mayor, ne sais-tu pas depuis longtemps déjà que j’ai pour habitude de toujours tenir mes promesses, quelles qu’elles soient ?

— Je le sais, en effet, mais je ne vois pas…

— Pardieu ! voilà qui est trop fort ! s’écria-t-il en riant ; as-tu oublié la chute miraculeuse de la glace ?

— Ah ! j’y suis à présent ; pardonne-moi, je ne suis pas, comme toi, un homme coulé dans le bronze et que rien n’émeut. Ta confidence de tout à l’heure m’a tellement bouleversé que je ne suis pas encore complètement rentré en possession de moi-même, et…

— Pauvre agneau sans tache, cœur tendre et pudibond qu’un rien fait tressaillir, interrompit ironiquement le Mayor ; en effet, tu es tendre et doux pour les autres, toi qui, pour te venger d’un chien dont tu avais été mordu, as froidement et de propos délibéré brûlé vives une douzaine de personnes dans leur misérable hutte. Tu oublies