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nécessaire pour amener la jeune fille à céder à ses désirs.

Le plan de séduction qu’il avait dressé contre miss Lucy Gordon était des plus habiles.

Il se proposait de le mettre à exécution et de le faire réussir dès que sa victime serait entre ses mains.

Malheureusement pour lui et heureusement pour miss Lucy Gordon, cet homme, pour imposer silence à quelques cris de rébellion de sa conscience, car il ne se dissimulait nullement ce que le crime qu’il se proposait de commettre avait de vil et d’odieux, ne trouva pas de meilleur moyen pour oublier ses derniers scrupules que de s’enivrer.

Alors le bandit avait reparu sous l’homme du monde, et s’était presque aussitôt changé en une brute féroce.

Le plan si habilement élaboré avait été oublié pour faire place à la folie furieuse, aux ignobles péripéties auxquelles nous avons assisté.

Sa victime lui avait échappé après l’avoir vaincu.

Ces souvenirs honteux avaient été subitement réveillés en lui à la vue des comestibles.

— Bah ! grommela-t-il après un instant, je me suis saoulé comme un bélître ; je n’ai eu que ce que je méritais ; mais la fois prochaine, et je ne tarderai pas à la faire surgir, je prendrai ma revanche. Rire bien qui rira le dernier.

Un sourire cynique courut sur ses lèvres.

Il prit sur le buffet un pâté de foie gras, une poularde truffée, deux bouteilles de vin, et porta le tout sur la table, mit le couvert en une seconde, et, s’installant commodément devant ce repas improvisé, il se mit à manger de bon appétit.

— Il ne faut pas que cela soit perdu, disait-il tout en découpant la poularde. Il est tard, je me sens en appétit ; ces bonnes choses achèveront de me remettre.

Après avoir mangé la moitié de la poularde, une large tranche du pâté, du fromage, des fruits, et avoir vidé les deux bouteilles de pommard, il se leva complètement rassasié.

— Mille diable ! dit-il en remettant tout en ordre, je me sens tout autre, définitivement rien n’est tel que la