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— Chère Lucy, lui dit-il, en essayant de lui prendre la main.

La jeune fille, encore mal remise, le repoussa avec épouvante, et éclatant en sanglots :

— Vous ? C’est vous ! s’écria-t-elle avec indignation.

— C’est moi, en effet, murmura-t-il d’une voix empâtée, et subissant malgré lui l’influence de cette immense douleur.

— Mon Dieu ! cet homme est ivre ! s’écria-t-elle avec douleur.

En effet, le bandit, en sus de tout ce qu’il avait bu dans le tapis-franc, avait, en arrivant chez lui, coup sur coup, tout en prodiguant ses soins à la jeune fille, absorbé deux ou trois verres d’eau-de-vie.

Pourtant, il n’était pas aussi complètement ivre que le supposait miss Lucy Gordon ; il était, à la vérité, très surexcité, mais il n’atteignait encore en réalité que les premiers degrés de l’ivresse.

— Qu’avez-vous fait de mon amie ? lui demanda-t-elle.

— Que vous importe ? répondit-il presque brutalement. Elle et moi, nous avons trouvé ce que nous désirions. Elle est bien ; moi, je suis mieux. Sommes-nous ici pour parler d’elle ?

— Malheureux ! qu’osez-vous dire de mademoiselle de Valenfleurs ? s’écria-t-elle avec une généreuse indignation.

— Je ne sais rien, je ne dis rien. Les affaires de cette demoiselle ne me regardent pas ; j’ai à m’occuper de choses plus importantes.

Il s’approcha du guéridon, saisit, la bouteille d’eau-de-vie, emplit le verre jusqu’au bord, le porta à ses lèvres et le vida d’un trait.

— C’est bon ! murmura-t-il, cela remet le cœur.

Miss Lucy Gordon était brave et douée d’une grande énergie, nous l’avons dit, elle était Américaine, élevée selon les coutumes de son pays, habituée à sortir seule et à se faire respecter, sans l’intervention d’un tiers.

De plus, douée d’un cœur fort et d’une volonté ferme