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tout droit, sans se préoccuper des coquins qui encombrent les trottoirs. Ne sais-tu pas, comme moi, contre quel ennemi nous sommes contraints de lutter ?

— Oui, je le sais, mon ami, et voilà précisément la raison qui me fait trembler, chaque fois que tu rentres tard, comme tu l’as fait aujourd’hui.

— Bah ! tu es une peureuse.

— Oui, mais si j’ai peur, c’est pour toi, pour toi seul ; hélas ! que deviendrais-je si je te perdais !

— Mariette, que dis-tu donc là, me chérie ? s’écria-t-il avec émotion.

— La vérité, hélas ! et pourtant je ne me sens pas la force de t’en vouloir, car il s’agit de nos amis, auxquels nous devons notre bonheur.

— Tu vois bien, tu m’approuves…

— Eh ! puis-je faire autrement, à moins d’être ingrate ? Mais j’ai peur ; c’est plus fort que moi ; je ne suis pas une héroïne, je ne suis qu’une femme aimante et dévouée, mais timide et craintive.

— Bon ! ne nous inquiétons pas, mignonne, c’est le plus simple. Dieu nous protégera. Tiens, écoute : don Cristoval se propose d’aller passer quelque temps, un mois ou deux, je crois, dans notre belle propriété de Touraine que tu aimes tant, et qui nous rappelle tant de souvenirs de bonheur ; je lui ai promis que tu lui en ferais les honneurs.

— Tu veux que je m’éloigne de toi ? demanda-t-elle avec tristesse.

— Je n’ai jamais eu une telle pensée, chère femme, et, la preuve, c’est qu’avant quinze jours tu nous verras, Julien, Tahera et moi, arriver là-bas. C’est une surprise que nous te ménageons ; seulement, n’en dis rien, j’ai promis le secret à mes amis.

— Dois-je donc partir tout de suite ?

— Tout de suite, non, mais dans deux jours, si cela ne te contrarie pas trop. Don Cristoval ne compte pas quitter Paris avant quatre jours ; il serait, je crois, convenable