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levant. Je vais aller le chercher moi-même. Avant cinq minutes, il sera ici.

Et, sans attendre la réponse du chasseur, l’haciendero quitta le salon.

Les trois hommes, restés seuls, n’échangèrent pas une parole.

Le docteur, complètement réveillé maintenant, réfléchissait profondément, tout en lançant de temps en temps des regards interrogateurs à son fils.

Mais celui-ci ne les remarquait pas.

Il marchait de long en large, d’un air préoccupé, la tête penchée sur sa poitrine.

Quant à Bernardo, il avait allumé son calumet indien, et aspirait la fumée avec une précision mathématique, sans autrement se préoccuper de ce qui allait se passer.

Le moment d’agir venu, il serait prêt : cela lui suffisait.

Le reste ne l’inquiétait pas le moins du monde. D’ailleurs, il se doutait à peu près de la communication que Julian allait faire au docteur et à l’haciendero.

Et puis, nous l’avons dit, depuis longtemps Bernardo avait perdu l’habitude de réfléchir. Il trouvait plus commode de s’en rapporter en tout à son ami.

L’absence de l’haciendero ne se prolongea pas au delà de vingt minutes.

Bientôt il rentra, accompagné de son mayordomo.

Le señor Ignacio Torrijos, ou ñó Ignacio, ainsi qu’on le nommait plus communément, était un homme de quarante à quarante-cinq ans, haut de taille, large d’épaules, aux traits énergiques, à la physionomie intelligente et fine, éclairée par deux grands yeux, rayonnants de volonté et de hardiesse.

Son teint foncé, sa peau tannée par le vent, la pluie et le soleil, ses jambes prodigieusement arquées, en faisaient le type de ces espèces de centaures que l’on ne rencontre que dans les anciennes possessions espagnoles, et auxquels on donne le nom significatif de hombres de a caballo, c’est-à-dire d’hommes de cheval, parce