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Les deux jeunes gens sentirent leur cœur se serrer ; un triste pressentiment leur gonfla la poitrine ; leurs regards inquiets se fixèrent avec anxiété sur leur mère.

La comtesse comprit cette interrogation qui, pour être muette, n’en était que plus éloquente.

Elle continua :

— Mes enfants, dit-elle en prenant sa voix la plus douce et son accent le plus insinuant, vous êtes encore bien jeunes tous les deux pour contracter un acte aussi sérieux que celui du mariage, où il s’agit du bonheur de la vie toute entière.

— Nous nous aimons tant, ma mère ! dit Armand de sa voix la plus caressante.

— Je le sais bien ; c’est une raison, reprit-elle en souriant, malheureusement, peut-être n’est-elle pas suffisante aux yeux du monde : toi Armand, tu as à peine vingt et un an ; Vanda n’en a pas encore seize. Mais s’il n’existait que cette raison, si grave qu’elle soit, on pourrait à la rigueur ne pas en tenir compte et passer outre ; mais il y en a une autre beaucoup plus grave, et celle-là, mes enfants, il n’est point possible de ne pas la respecter.

Les deux jeunes gens à ces paroles, qui leur prouvaient qu’ils ne s’étaient pas trompés, échangèrent un regard triste et plein de larmes.

— Ne vous chagrinez pas ainsi, mes enfants, reprit la comtesse avec honte, vous m’enlèveriez le peu de courage qui me reste. Écoutez-moi tranquillement et surtout ne vous effrayez pas ainsi.

» Bientôt vous reconnaîtrez que la révélation que je dois vous faire n’est pas aussi terrible que, sans doute, vous vous l’imaginez, fit-elle en essayant de sourire.

» Vanda, ma fille chérie, lorsque Dieu te confia à moi dans la Savane, je compris aussitôt toute la gravité du devoir qui m’était imposé ; je t’adoptai dans mon cœur pour ma fille et je fis devant Dieu deux serments sacrés : le premier, que je mettrais tous mes soins à te rendre heureuse.