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Le jeune comte fut alors invité à s’expliquer.

Le jeune homme, mis ainsi en demeure, raconta dans ses plus minutieux détails la rencontre singulière qu’il avait faite le matin même dans une des allées du bois de Boulogne, et la scène étrange qui s’en était suivie.

Il fit le portrait exact de l’inconnu, sans oublier de mentionner l’interpellation plus que bizarre dont un cavalier, arrêté à quelques pas de là, avait salué l’inconnu lors de son passage à toute course devant lui, et termina son récit par ces mots :

— Dès le premier moment où je fus accosté par cet étrange personnage, j’eus le pressentiment que je me trouvais en face d’un ennemi de ma mère et de moi. Sans me rendre compte de cette impression, je me mis instinctivement sur mes gardes, lorsqu’il m’adressa son insolente question ; bien que la colère commençât à gronder en moi, je conservai le plus grand sang-froid ; car je compris que je ne m’étais pas trompé ; alors, je m’appliquai à lui donner le change.

— Croyez-vous avoir réussi, mon cher Armand ? demanda Julian.

— Je ne sais trop, répondit le jeune comte, cependant je le crois ; du moins jusqu’à un certain point, je l’ai lu sur son visage. Un fait certain pour moi ressort de cette courte altercation : d’abord que, grâce à mes réponses claires, positives et faites sans hésitation, ses soupçons, s’il en a, n’ont pas été confirmés, c’est-à-dire ne se sont pas changés en certitude ; ensuite, que, quel que soit cet homme, et surtout s’il est réellement le Mayor, il tient, pour des motifs fort graves, à conserver le plus sévère incognito, et, particulièrement, à ne pas entrer en relations avec la police française, dont les yeux d’argus feraient promptement tomber le masque derrière lequel il se cache.

— Oui, dit Bernard en riant, la police française est très curieuse, et elle a une haine invétérée pour les masques.