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son nom ; tu vois à présent que si je ne te connaissais pas personnellement, je savais tout au moins ce que tu vaux.

— Merci de l’honneur, je m’en rendrai digne, répondit presque respectueusement Fil-en-Quatre.

— Je l’espère, dit majestueusement le Loupeur, mais pas de cascades ; faut être sérieux, nous avons affaire à des rupins de la haute, l’or coule comme de l’eau entre leurs doigts, faut se garder à carreau et avoir la gueule morte.

— On exécutera la consigne, dit Fil-en-Quatre un peu piqué de la leçon.

— Ne te fâche pas ; je parle dans ton intérêt. Puis-je compter sur toi ?

— Comme sur toi-même ! s’écria-t-il vivement. Je sais ce que tu vaux, depuis longtemps ; je te connais de réputation ; je me ferais mettre en hachis pour toi.

— C’est bien ; nous verrons. Tant mieux pour toi si tu le penses, tant pis pour toi si tu essaies de me faire voir le tour.

Le Loupeur accompagna ces paroles d’un regard sous le poids duquel, si brave qu’il fût, Fil-en-Quatre se sentit frissonner.

En ce moment, une sonnette tendue sur le muraille, au-dessus de l’œil-de-bœuf et à droite de la Marlouze, tinta deux coups.

La longue femme se leva.

Elle avait suivi avec un grand intérêt, bien que sans en entendre un seul mot, ce qui s’était passé entre les deux hommes : elle quitta son comptoir, et s’approchant plus aimable que jamais, de la table où ils achevaient de dîner…

— Monsieur Romieux vous attend, dit-elle, en grimaçant son hideux sourire.

— Merci, dit le Loupeur.

Et versant le reste de la bouteille dans les deux verres.

— À ta santé, Fil-en-Quatre ! reprit-il en s’adressant à sa nouvelle connaissance. Suis-moi et surtout ne t’étonne de rien.