Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matelot se pencha vers la litière et dit rapidement quelques mots à voix basse.

Les rideaux de la litière eurent subitement un léger frémissement, puis ils coururent brusquement sur leurs tringles et s’écartèrent sous la pression d’une main convulsive.

Alors un visage hâve, maigre, pâle, aux traits convulsés par une émotion poignante à peine contenue, et dont les yeux vagues semblaient ne plus avoir de regard, se pencha avidement au dehors.

Cet homme, ou plutôt ce squelette, n’ayant plus qu’un souffle de vie, c’était le Mayor.

Julian ne s’était pas trompé.

Ce misérable, une fois encore, avait échappé à la mort par le dévouement de doña Luz, qui, deux jours avant l’attaque de l’hacienda, était arrivée à son camp, rappelée par lui en toute hâte : son expédition terminée, il voulait fuir, ainsi que nous l’avons dit, mais en emmenant la jeune femme avec lui, car il l’aimait comme aux premiers jours de leur union.

Lorsqu’il avait marché contre la Florida, doña Luz voulut le suivre ; seulement, à une courte distance de l’hacienda, voulant la préserver de tous dangers, le Mayor l’obligea à se cacher dans un épais fourré où il la laissa sous la garde de cinq aventuriers sur lesquels il savait pouvoir compter.

Le combat terminé, doña Luz, ne pouvant résister à l’inquiétude qu’elle éprouvait, envoya un des aventuriers à la découverte.

Celui-ci revint presque aussitôt, et lui révéla l’affreuse vérité.

Doña Luz, certaine que les Coureurs des bois, les vaqueros et les Comanches s’étaient retirés, avait juré de sauver son mari.

Seul l’amour pouvait accomplir un tel miracle et inspirer un si grand dévouement.

Quittant son abri provisoire, elle se rendit résolument sur le champ de bataille, suivie par les cinq aventuriers