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vaja, comment il se fait que vous ayez commis l’imprudence de vous introduire de nuit dans cette hacienda, et faites-moi connaître pour quels motifs si impérieux vous n’avez pas hésité à jouer ainsi votre vie sur un coup de dé. Ignoriez-vous donc ma présence ici, supposiez-vous pouvoir nous surprendre ?

L’aventurier sourit ; et, aspirant à deux ou trois reprises la fumée de sa cigarette, il répondit d’un air dégagé, en rendant cette fumée à la fois par le nez et par la bouche :

— Señor Cœur-Sombre, nous vous connaissons de longue date, vous m’avez même, je m’en souviens, sauvé une ou deux fois la vie. Je connaissais parfaitement votre présence dans cette hacienda ; mais avant de répondre à vos autres questions, interrogez cet homme et demandez-lui ce qui s’est passé entre nous, cela facilitera, je le crois, les explications que j’aurai à vous donner ensuite.

Malgré le nom espagnol de l’aventurier, Julian lui avait adressé la parole en français, et celui-ci avait répondu dans la même langue, d’une façon correcte et sans le plus léger accent.

Le chasseur se tourna alors vers Moucharaby :

— Vous avez entendu ? lui dit-il.

— Parfaitement, monsieur Julian, répondit l’ancien spahis, faut-il parler ?

— Oui, et tout dire franchement et loyalement.

— Oh ! pour lors, il n’y a pas de soin, monsieur Julian, je n’ai jamais su mentir.

— Nous vous écoutons.

— Pour lors, reprit Moucharaby, en se levant, sans doute pour parler plus à son aise, depuis que le major nous a amenés dans ce magnifique gourbi, comme je suis un vieux soldat et que je me méfie comme de la peste des naturels de l’endroit, qui me font l’effet de singuliers chrétiens, je me suis entendu avec mes camarades ; sans vous en rien dire, bien entendu, parce que peut-être vous vous y seriez opposé ; je dis donc que je me suis entendu avec mes camarades à seule fin de faire,