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ravant, l’ancien matelot avait, sur l’ordre du Mayor, fait une longue absence dont les motifs étaient demeurés secrets.

Il était plus que probable que cette absence mystérieuse se rattachait a l’exécution du plan de fuite qu’en ce moment le Mayor exposait si complaisamment à son complice, et peut-être en était la cause unique.

Mais pourquoi le Mayor faisait-il cette confidence tardive à son complice ?

Quel parti espérait-il en tirer ?

Avec un homme tel que le Mayor, habitué aux machinations souterraines et aux menées occultes, on était en droit de tout supposer.

Car tout était possible de sa part, et surtout la trahison, même envers ses complices les plus dévoués.

Quoi qu’il en fût, dans les circonstances présentes, cette affaire prenait avec raison, aux yeux de Navaja, des proportions formidables.

C’était tout un mystère de surveillance secrète à organiser autour du Mayor, afin de ne pas le perdre de vue une seconde, pour ne pas être surpris par lui à l’improviste.

Car, pour assurer sa fuite, si tel était réellement son projet, le Mayor, Navaja en avait la conviction, n’hésiterait pas à sacrifier ses compagnons jusqu’au dernier, et même à passer sur leurs cadavres, s’il pensait ainsi faire réussir ses ténébreuses combinaisons.

Mais ce secret surpris inquiétait fort Navaja. Il lui fallait redoubler de prudence, et surtout manœuvrer avec une adresse extrême, afin d’aveugler le Mayor, et ne pas lui donner l’éveil. Un rien suffirait pour faire naître ses soupçons, et, le cas échéant, l’aventurier le savait, son chef n’hésiterait pas à lui brûler la cervelle, ainsi qu’il l’avait fait à tant d’autres pour des motifs en apparence les plus futiles.

Mais Navaja, si coquin qu’il fût, était brave, adroit et intelligent ; il ne douta pas de réussir à donner le change à son redoutable chef.