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confondu avec le vulgaire, mais, au contraire, être placé de prime saut au premier rang, dans tout ce qu’il voulait entreprendre.

Sa réputation était immense dans toutes les hautes savanes et les mystérieuses prairies de l’Ouest lointain.

Les bandits, et ils sont nombreux dans ces régions presque inconnues encore, ne juraient que par lui et se faisaient une gloire de servir sous ce chef redouté.

Sa générosité, car il laissait couler l’or comme de l’eau entre ses doigts, lui amenait force adhérents, malgré ses façons d’agir plus que brutales et la discipline sévère qu’il maintenait dans sa troupe.

On le redoutait beaucoup, on le haïssait en secret ; mais malgré cela, son bonheur était si grand, ses expéditions si bien conduites et toujours si heureuses, que les hommes ne lui manquaient jamais.

Il exerçait une fascination irrésistible sur tous ceux qui l’entouraient, et il se faisait obéir des plus redoutables coquins d’un geste, ou même d’un simple clignement d’yeux.

Jusqu’au jour où le hasard l’avait mis face à face avec le Cœur-Sombre, tout lui avait constamment réussi. Le succès avait suivi toutes ses entreprises.

Mais, par une fatalité étrange et inexplicable, des qu’il eût entamé la lutte contre les deux célèbres coureurs des bois, Cœur-Sombre et Main-de-Fer, la chance inouïe qui jusqu’alors l’avait favorisé l’abandonna tout à coup.

Tout changea pour lui et, ainsi qu’il en convenait lui-même, une déveine effroyable s’était abattue sur lui.

Le Mayor était joueur, et naturellement comme tous les joueurs il était superstitieux : ces deux hommes lui portaient malheur.

Chaque fois qu’il avait eu maille à partir avec eux, non seulement il avait été vaincu, mais encore il avait essuyé de véritables désastres.

Que signifiait cela ?

D’où provenait cette malechance ?

C’était en vain qu’il en cherchait les causes.