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tout ce que nous dirons entre nous, nul ne doit le savoir.

— Oh ! je suis discrète, maîtresse.

— Il n’y a rien de nouveau en ville ?

— Non, rien que je sache, maîtresse ; ah ! si, on parle d’un navire qui a paru devant le port au coucher du soleil, et qui n’a pas voulu entrer ; le capitaine a renvoyé le pilote, sans consentir à l’admettre à bord en lui disant que, n’ayant pas d’autre désir que d’envoyer quelques paquets de lettres à terre, il ne jugeait pas à propos de mouiller dans le port.

— Ah ! voilà qui est bizarre.

— Oui, il paraît qu’il a effectivement envoyé une embarcation à terre ; mais elle a traversé la ville sans s’arrêter et a remonté la Nivelle, sans qu’on sache où elle allait ; il y a deux heures, on l’a vue redescendre, traverser de nouveau la ville et gagner la pleine mer, où probablement elle a été retrouver le navire qui l’attendait.

— Oui, probablement, dit la marquise qui se sentit pâlir.

— Aussi, continua la fillette, Dieu sait les histoires que font les pêcheurs !

— On ne sait pas à quelle nation appartient ce navire ?

— Si bien, maîtresse ; c’est un navire espagnol. N’est-ce pas que tout cela est bien bizarre ?

— Oui, très bizarre, en effet. Aide-moi à me mettre au lit, puis tu allumeras la veilleuse, tu arrangeras le feu pour la nuit et tu te coucheras, toi aussi.

— Vous sentez-vous mieux, maîtresse ?

— Un peu, mais je suis accablée ; je tombe de sommeil.

Une demi-heure plus tard la chambre à coucher n’était plus éclairée que par la lumière faible et voilée de la veilleuse ; la marquise et sa camériste dormaient ou semblaient dormir.

Cependant si quelque regard indiscret se fût glissé dans ce silencieux gynécée, une seconde lui eût suffi pour reconnaître que l’immobilité de la marquise n’était pas celle du sommeil, mais de la réflexion ; en effet, madame de Garmandia, les yeux demi-clos, la bouche ser-