Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à me tourmenter, dit-elle en souriant, mais je le lui dirai à elle-meme.

Elle quitta alors le docteur.

En montant vivement les quelques marches qui restaient, elle ouvrit ses bras à la jeune femme penchée vers elle, comme l’oiseau attiré et fasciné malgré lui par le chasseur.

— Denizà, mon amie, ma sœur ! n’est-ce pas que vous m’aimez comme je vous aime ? lui dit-elle d’une voix émue et les yeux pleins de larmes.

— Oh ! Léona c’est vous ! Je vous avais reconnue, ma sœur bien-aimée ; que je suis heureuse de vous connaître enfin ! s’écria la jeune femme de sa voix mélodieuse, en se laissant tomber dans les bras ouverts pour la recevoir.

Ces deux adorables femmes, ainsi enlacées, et se prodiguant les plus douces caresses, formaient le plus délicieux groupe qu’il soit possible d’imaginer.

Tous les assistants étaient doucement émus et se tenaient respectueusement à l’écart.

Les deux jeunes femmes se prirent par le bras, et la comtesse, saluant avec un charmant sourire la maîtresse de la maison et les autres personnes présentes, dit d’une voix tremblante d’émotion :

— Pardonnez-moi, senora, et vous aussi caballeros, cette faute contre l’étiquette ; mais mon cœur a été plus fort que ma volonté. Dès que j’ai aperçu cette amie bien chère, mes bras se sont ouverts malgré moi pour la recevoir.

— Je suis aussi coupable que mon amie, ajouta doucement Denisà ; dès que je l’ai vue, j’ai tout oublié pour ne plus songer qu’à elle.

— Toutes deux vous êtes très coupables, senoras, dit alors dona Luisa de Cardenas, en les embrassant affectueusement. Pour vous punir de cette faute impardonnable, je vous condamne, au nom de la société tout entière, à rester pendant au moins une demi-heure dans ce salon, sous la garde du docteur d’Hérigoyen.