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paraît-il, avec impatience ; voilà qu’est dit. On partit avec une escorte de Mexicains, et l’on arriva à l’hacienda, où l’on se reposa quatre jours avant que de repartir. Pour lors, voilà que le lendemain de leur arrivée, d’autres voyageurs, venant du côté désert, entrèrent dans l’hacienda. Parmi eux, il y avait une dame ; Joan faillit s’évanouir comme un mousse en la reconnaissant ; c’était… il hésita, balbutia, jeta un regard soupçonneux autour de lui, puis il murmura d’une voix étranglée : madame la M… enfin, votre femme, quoi !

— Il était fou ! s’écria le Mayor en tressaillant malgré lui, et passant la main sur son front inondé de sueur.

— C’est ce que je lui dis, mais il me répondit : « Non, c’est bien elle ; je l’ai vue toute enfant ; je la connais bien, ma mère a été à son service, et je lui ai parlé plus de cent fois avant et après son mariage. Une telle ressemblance n’est pas possible, c’est elle ; rien qu’en entendant sa voix je l’aurais reconnue. » Je quittai Joan en me moquant de lui, et je retournai aussitôt à Hermosillo.

— Alors, que fis-tu ?

— Cette affaire me chiffonnait ; j’étais inquiet. Je ne fis ni une ni deux. Je montai à cheval et je mis le cap sur l’hacienda dont Joan m’avait exactement indiqué la position, résolu à m’assurer par mes yeux de la vérité de la chose…

— Très bien… Alors ?

— Alors, comme je rôdais continuellement autour de l’hacienda, ruminant à part moi comment je pourrais m’y prendre pour y entrer, et réussir à dévisager la particulière, n’importe qui elle est, on m’aperçut, on me prit pour un espion et on m’appuya une chasse que ma barbe en fumait, et que le diable en aurait pris les armes ! Il paraît qu’ils se méfient, là-dedans. Le fait est que j’ai payé les pots cassés de ma sottise de m’être laissé surprendre. Mon pauvre cheval fut tué, et je n’eus que le temps de me jeter dans une fondrière ; sans cela, il m’en serait arrivé autant. Le malheur est que j’avais perdu mes armes, et qu’il m’avait été impossible d’emporter mes alforjas. Je me