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cause de tes souffrances. Mon Dieu, il ne faut pas m’en vouloir, va, ce n’est nullement ma faute, j’ai toujours vécu seul au désert, où aurais-je appris comment il faut agir avec d’aussi frêles natures que celle des femmes ; mais maintenant c’est fini, je me surveillerai, tu n’auras plus de reproches à m’adresser, je te le promets, mon enfant chérie, tout ce que tu voudras je le ferai, là, es-tu contente ?

Par une réaction subite, la jeune fille essuya ses larmes, et partant d’un joyeux éclat de rire, elle jeta ses bras au cou du chasseur et, l’embrassant à plusieurs reprises :

— C’est vous qui devez me pardonner, mon père, lui dit-elle de sa voix câline, car je semble prendre plaisir à vous tourmenter, vous qui êtes si bon ; je ne savais ce que je disais tout à l’heure ; je ne suis pas malheureuse, je ne souffre pas, je suis heureuse au contraire, et je vous aime bien, mon bon père, je n’aime que vous, que vous seul.

Tranquille la regarda d’un air effaré ; il ne comprenait plus rien à ces brusques revirements d’humeur, dont la cause lui échappait.

— Mon Dieu ! s’écria-t-il en joignant les mains avec stupeur, ma fille est folle !

À cette exclamation, la gaité de la rieuse enfant redoubla et son rire perlé s’élança de son gosier en une joyeuse cascatelle, à rendre par ses modulations un rossignol jaloux.

— Mon père, dit-elle, je ne suis pas folle ; c’est lorsque je vous parlais ainsi que je l’ai fait, il n’y a qu’un instant, que je l’étais, mais maintenant la crise est passée ; pardonnez-moi et n’y songeons plus.