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dans tout son être ; si elle demeurait longtemps sans avoir de leurs nouvelles, elle devenait triste, inquiète, pensive ; leur présence lui rendait toute sa gaîté et son insouciance d’oiseau.

Était-ce de l’amitié ? était-ce de l’amour ? qui sait !

Tranquille trouva ses amis confortablement établis dans une étroite clairière, assis auprès d’un grand feu qui servait à cuire leur souper. Carméla, retirée un peu à l’écart, interrogeait d’un regard impatient la sente par laquelle elle savait que devait arriver le chasseur.

Aussitôt qu’elle l’aperçut, elle poussa un cri de joie étouffé et fit un mouvement pour courir à sa rencontre, mais elle s’arrêta en rougissant, baissa la tête, et se cacha toute honteuse derrière un massif de floripondios.

Tranquille mit paisiblement pied à terre, ôta la bride à son cheval, qu’il envoya d’une claque amicale sur la croupe rejoindre ceux de ses compagnons, et il alla s’asseoir auprès du Cœur-Loyal.

— Ouf ! fit-il, enfin me voici de retour, ce n’est pas sans peine.

— Auriez-vous couru quelque danger ? demanda avec intérêt le Cœur-Loyal.

— Nullement, au contraire ; le Jaguar m’a reçu comme il devait le faire, c’est-à-dire en ami, je n’ai à me plaindre que de sa courtoisie ; du reste nous nous connaissons trop pour qu’il n’en eût pas été ainsi.

Carméla s’était avancée tout doucement près du chasseur ; tout à coup elle pencha sa gracieuse tête vers lui, et lui présenta son front à baiser :

— Bonjour, père, lui dit-elle d’un petit ton hypocrite, vous voilà déjà de retour ?