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qu’à contre-cœur, avait consenti à tout ce que lui avait demandé le Canadien, ce dont celui-ci avait été charmé, car sans savoir précisément pourquoi, il lui aurait déplu de faciliter une entrevue entre les jeunes gens.

Aussitôt après son entretien avec le jeune chef des francs tireurs, le chasseur s’était levé, et malgré les instances du Jaguar pour le retenir, il avait quitté son camp.

Le chasseur était donc remonté à cheval, et, à demi satisfait de sa conversation avec le Jaguar, il avait regagné au petit pas, tout en réfléchissant, l’endroit où ses amis étaient campés.

Ceux-ci l’attendaient avec anxiété, Carméla surtout était dévorée d’une inquiétude extrême.

Étrange contraste, que les femmes seules pourront expliquer, la jeune fille, à son insu peut-être, éprouvait pour le Jaguar et pour le capitaine Melendez des sentiments qu’elle redoutait elle-même d’analyser, mais qui cependant la portaient à s’intéresser également au sort de ces deux hommes et à craindre un choc entre eux, quelqu’en dût être le résultat pour l’un ou pour l’autre.

Malgré cela, il est évident que s’il lui avait fallu expliquer la raison qui la poussait à agir ainsi, elle n’aurait pas su répondre, et que si on lui avait dit qu’elle aimait l’un ou l’autre, elle s’en serait énergiquement défendue, et cela franchement persuadée qu’elle aurait dit vrai.

Pourtant elle se sentait, peut-être par des motifs différents, irrésistiblement attirée vers eux ; elle tressaillait à leur approche, le son de leur voix faisait intérieurement courir un frisson de bonheur