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du ciel était complétement noire, ce qui rendait les ténèbres tellement épaisses qu’à deux pas il était impossible de rien distinguer.

Ses dernières mesures prises avec ce sang-froid qui distingue les hommes de sa race, le Nord-Américain serra les mains tendues vers lui, essaya encore, par quelques paroles chaleureuses, de rendre l’espoir à ses compagnons, et, s’agenouillant sur la lèvre du gouffre, il commença à descendre lentement.

On ne peut s’imaginer combien les sites et même les moindres objets changent d’aspect, suivant la lueur qui les éclaire : tel paysage qui, vu aux rayons du soleil, à un aspect riant et calme, prend, éclairé par la clarté rougeâtre des torches, une apparence fantastique et mystérieuse qui inspire la crainte et le respect à l’homme le plus résolu.

Certes, John Davis était d’une bravoure à toute épreuve, sa vie n’avait été qu’une lutte continuelle dans laquelle il n’avait triomphé qu’à force de volonté et d’énergie ; cependant, lorsqu’il commença à descendre dans la barranca, il se sentit froid au cœur et ne put réprimer un léger frémissement de terreur qui, comme une étincelle électrique, parcourut tous ses membres, mais il se raidit contre cette émotion qui n’est autre chose que cet instinct de conservation que Dieu a caché au fond du cœur de tous les hommes, les plus braves comme les plus lâches, et il continua à descendre.

Bien qu’il fût, ainsi que nous l’avons dit, attaché par le milieu du corps, cependant ce n’était pas chose facile que cette descente, le long d’une pente abrupte presque à pic, à laquelle il fallait se cram-